Dépistage précoce de la dysplasie des hanches par distraction
Qu'est-ce que la dysplasie coxo-fémorale (DCF) ou dysplasie de la hanche?
La dysplasie coxo-fémorale (DCF) est une maladie à composante génétique qui touche les races de chiens de grand format. Il s'agit d'une prédisposition au développement d'arthrose, maladie évolutive et gravement invalidante qui peut aboutir à l'euthanasie précoce de l'animal dans les cas extrêmes.
Les gènes qui codent pour cette maladie sont nombreux, et la hanche subit également une influence de l'environnement (excès de poids, exercice trop violent pendant la croissance, …) qui va aggraver la situation chez les individus prédisposés. A contrario si le chien grandit léger et sans exercice, cela va masquer l'expression de la maladie.
Le dépistage officiel
La seule méthode officiellement reconnue de dépistage est la radiographie officielle, qui se fait à partir de 12 ou 18 mois selon les races, sous anesthésie générale, et grâce à laquelle on repère les individus dont les hanches sont mal conformées. Cette méthode a ses limites, car elle laisse passer beaucoup de faux négatifs, c'est à dire des individus apparemment sains mais porteurs de gènes délétères, et qui vont retransmettre leurs gènes à leurs descendance. C'est la raison pour laquelle un chiot issu de deux parents officiellement indemnes peut quand même être touché et même gravement.
Ce dépistage tardif a comme autre inconvénient de limiter grandement les possibilités thérapeutiques : en effet, lorsqu'à 12 ou 18 mois on détecte une anomalie de conformation de la hanche, les dégâts sont déjà faits et les possibilités d'action sont très limitées (chrondroprotecteurs utiles mais pas miraculeux, les AINS lors des crises douloureuses qui ne sont donc que palliatifs, ou des chirurgies lourdes et onéreuses). En raison de leur caractère invasif, de la complexité du post-opératoire et de leur prix, ces interventions chirurgicales ne sont à réserver qu'aux cas extrêmes.
La DCF est un vice rédhibitoire, ce qui signifie que l'éleveur est tenu devant la loi de le garantir auprès de son acheteur, et qu'en cas de maladie avérée et déclarée dans les délais, la vente est annulée : le propriétaire sera remboursé intégralement contre retour du chien chez l'éleveur. A plus d'un an, il est rare que les maîtres souhaitent se séparer de leur chien car ils s'y sont évidemment attaché. Les éleveurs n'ont aucun intérêt non plus à les reprendre, car où replacer un chien dysplasique ? Et vu le faible éventail thérapeutique, l'avenir qui attend ces chiens est plus que sombre.
Pour toutes ces raisons, un dépistage précoce, fiable, et offrant une possibilité thérapeutique a tout son intérêt dans les races régulièrement touchées par la DCF.
Ce dépistage existe, il s'agit du dépistage précoce par radiographie en distraction.
Le dépistage en distraction
Le principe
Il consiste à effectuer 3 radiographies sous anesthésie générale du bassin vu de face :
- Une vue en position forcée identique à la radiographie officielle de dysplasie : elle permet de vérifier d'éventuels symptômes et anomalies de conformations déjà visibles de la hanche. Elle permet également de mesurer l'espacement entre les deux têtes fémorales, afin d'effectuer le réglage du distracteur utilisé ensuite.
- Une vue en compression : grâce à des cubes de mousse placés de chaque côté des hanches du chien, on rentre les têtes fémorales au maximum dans les acétabulum. Ceci permet de bien visualiser le centre de l'acétabulum, qui est alors superposé au centre de la tête fémorale, alors qu'il est difficile à repérer précisément sur les autres vues.
- Enfin une vue en distraction : à l'aide d'un appareil réglé en fonction de l'écartement entre les têtes fémorales du chien et que l'on place entre ses cuisses, on subluxe au maximum des possibilités physiologiques du chiens les articulations coxo-fémorales, c'est à dire que l'on fait sortir les têtes fémorales des articulations, au maximum de ce que la conformation du chien permet (il ne s'agit pas là de créer de dégât sur l'articulation bien évidemment)
On mesure ensuite le déplacement entre le centre de la tête fémorale sur la vue en distraction, et le centre de l'acétabulum matérialisé sur la vue en compression. On divise cette distance par le rayon de la tête, et on obtient un chiffre compris entre 0 et 1, c'est l'indice de distraction (DI).
Interprétation de l'indice de distraction
Il a été établi qu'il existe une corrélation directe entre l'indice de distraction (DI), et la probabilité que le chien développe de l'arthrose, donc une DCF, par la suite. Ainsi plus le DI est élevé, plus la probabilité que le chien soit dysplasique est importante.
Ce dépistage peut être effectué dès 16 semaines. Auparavant, la laxité de l'articulation coxo-fémorale est physiologique, et ne peut donc pas être interprétée.
Jusqu'à 18 semaines (maximum 20 semaines) il est possible de pratiquer une symphysiodèse, chirurgie précoce du bassin qui consiste à brûler le cartilage de croissance de la symphyse pelvienne afin de supprimer la croissance du bassin à ce niveau. Ainsi le bassin grandit en éventail, le bassin dorsal vient englober correctement les hanches dans les acétabulum, la laxité physiologique qui prédisposait au développement d'arthrose est corrigée, le chien ne développe pas sa DCF et ne souffrira donc pas d'arthrose plus tard.
Le pronostic sportif ainsi que le pronostic de confort sont donc conservés. En revanche cette chirurgie ne modifie pas les gènes, le chien devra donc impérativement être retiré de la reproduction, c'est à dire stérilisé dans le même temps. En effet, la symphysiodèse n'est pas détectable sur un chien adulte et une radiographie officielle le déclarera indemne alors qu'il est toujours porteurs des gènes délétères.
Le résultat de la symphysiodèse est décevant pour les chiens dont le DI est très élevé (>0,8), mais pour la plupart il permet de transformer littéralement des hanches dysplasiques et hanches indemnes.
Inconvénients
- L'anesthésie générale : Les radiographies doivent impérativement être réalisées sur des animaux anesthésiés, ce qui peut rebuter à juste titre certains propriétaires. Néanmoins, s'il le risque zéro en matière d'anesthésie n'existe pas, les protocoles actuels permettent de le réduire à négligeable, d'autant plus qu'il s'agit de manipulations non douloureuses qui ne nécessitent donc pas d'utiliser de fortes doses. Il faut cependant l'évaluer précisément, et ne pas faire subir cet examen à des individus présentant un facteur de risque élevé (insuffisance cardiaque par exemple)
- Le prix : Le prix du dépistage précoce est de 135€, auxquels il faut ajouter l'anesthésie générale (50€ pour un chien de 10 à 20kg). Cela représente certes un investissement, mais que le bénéfice apporté justifie grandement.
- L'interprétation en fonction des races :
Le principal inconvénient de cette méthode réside dans l'interprétation du DI, qui varie en fonction des races. Cette méthode est trop récente pour que les seuils aient pu être établis dans toutes les races, et il demeure une marge d'erreur et de tâtonnement dans l'interprétation.
Les données actuelles permettent de considérer que :
- un chien est totalement indemne pour un DI < 0.3
- un chien est gravement touché pour un DI > 0.7
- entre ces deux valeurs le résultat est sujet à interprétation en fonction de la race (sensibilité à la DCF, prévalence dans la race), et de son intérêt en tant que reproducteur.
On peut donc ajuster l'interprétation en fonction du devenir du chien : un chien non destiné à la reproduction pourra être opéré et stérilisé sans regrets s'il y a le moindre doute, afin de sauvegarder son pronostic de confort et/ou sportif. Pour un chien destiné à la reproduction, on prendra plus facilement le risque de le laisser évoluer si le DI est acceptable.
En conclusion
- Dépistage précoce et plus fiable, dès 16 semaines
- Possibilité thérapeutique efficace et peu délabrante
- Sélection très affinée des reproducteurs
Autant d'avantages qui confèrent au dépistage précoce par distraction un net avantage sur le dépistage officiel, autant pour les éleveurs que pour les propriétaires de chiens de races à risque.